Des dunes et des ocres

  Catherine Estrade

 
       

                8


           Séga
 

Deux français de France, encore imprégnés des aberrations de l'homme noir espèrent le retour des floraisons rythmiques.

Elle, elle sait qu'il reviendra. Elle a vu les muscles souples, le cou démesuré, gonflé d'eurythmie, la beauté de ses yeux rencontrée.

Lui, il sait qu'il reviendra. Il est venu de loin pour SEGA, pour la source, pour cueillir de ses mains l'immortalité de ses psalmodies.

 

Lui était harmonie naissante.
Etait blanc comme un songe d'enfant.
Connaissait de la musique les petits signes mornes que l'on trace frénétiquement sur les horizontales d'une ligne.

Il aimait Coltrane et Davis, et pour ce désir, pour cet accord noir et lointain, il allait me rencontrer, moi, SEGA.
Ma couleur pénètre la sienne. Il noircit, il inscrit en lui la dérive d'une découverte insensée. Je lui apprends mais ne dit rien. Il naît, il s'enfante en moi, géniteur sacré.
Il devient territoire occupé, enclave imposée, enserré par mon étau d'exigence. Il étouffe, il ne respire qu'à travers l'orgueil et l'amour du maître.
Il fuira la volonté silencieuse de souhaiter de lui qu'il soit moi. Il partira, pour retrouver, plus loin, dans le froid, son exactitude.

Il se décollera de moi, mais laissera des lambeaux de vie, quelque part, entre sa peine et la mienne.

 

Elle était là pour moi, déjà prisonnière de mes mutismes prolixes, attentive à la vibration étrangère. Pour elle, j'aurai voulu que les Djembéfolas se retiennent à la violence du soleil, que les danseurs ébranlent la jeunesse de leurs corps.
Je connais mal ses mots.
Elle se tait, maladroite. Prés d'elle, les yeux démesurés, mon fils blanc s'enfièvre d'histoires futures.

Elle reviendra chaque année, patiente et souriante, soumise à mes repos.
Elle écrira légèrement sur la soie incolore d'une page, des questions avides, des interrogations indiscrètes.
Je lui rendrai mes bonheurs, mes douleurs, mes éraflures.
Je lui donnerai l'infime partie de moi qu'elle désire.
Je ne sais pas lire. Elle ne sait pas jouer.

Il nous reste nos mystères.