Des dunes et des ocres

  Catherine Estrade

 
       

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           Djenné



 
 

Rien encore: le sable, quelques arbres résistants, de l'eau survivante, et un bruissement dans l'air, un signe précurseur, un mouvement inhabituel.

La charrette crisse, asservie au trot de l'animal.
Un homme-enfant tient les rênes, indifférent au paysage. Sa voix danse.

L'air, le sable, les arbres rescapés de ce frisson insaisissable.
Miracle des vigueurs des fous mégalomanes: ils ont façonné les esquisses de farouches rémanences:

Et de leurs mains de terre,
Djenné.

Le galbe solide et palpable des douceurs arrondies répète encore les souhaits murmurés des voyageurs lointains.

L'enfant sourit. Il décèle en moi la faille qui va me faire chavirer: il met les brides entre mes doigts.
Le cheval part au galop.

Je suffoque.
Les ruelles étroites pénètrent les cours: mouchoirs dépliés. Les maisons s'étriquent, les étages chancellent en révérence curieuse. Les moucharabiehs dentelés des écoles coraniques déposent à mes pieds les adjurations d'Allah. Les murs me frisent de leur protubérence. Emportée dans une cavale désarticulée, j'attrape des éclaboussures de rêves.

Si j'expire, tout s'écroule.

Enfin, la place, je respire, je m'expulse de l'étreinte minérale. Elle m'apaise.
La mosquée allonge ses lignes sur la clarté du sol, elle m'abrite, moi l'infidèle.

Aujourd'hui, je ne pourrai qu'égratigner le poids charnel de sa réalité.

 

 

Je te contourne, je suis tes parois jusqu'aux angles émoussés. J'ai déjà de toi la souvenance graveleuse de tes flancs.
Je cherche, longtemps, une ouverture vers ton coeur, mais tu restes fermée à mes prières et tu n'abandonnes de toi que l'essence fugitive d'une beauté inaltérable.