Des dunes et des ocres

  Catherine Estrade

 
       

                7


           Séga



 

Bamako, Carrefour des jeunes 1991

 

Sur la scène dans la cour mouillée de chaleur, SEGA est assis, il ne regarde pas, ne parle pas.

Les élèves inquiets écrivent au Djembé les battements de son cœur.

La musique se tait.

SEGA savoure l'anxieuse attente, le frisson suspendu en interrogation. Il fronce les sourcils, se lève, part, soulevant derrière lui un nuage de colère. Il revient dans un éclat de rire calculé.

La musique reprend.

Il effleure les corps tendus, les bras douloureux. Son regard se bride aux accents trop appris, aux mesures décalées. Il plaque furieusement une main contre la peau chauffée d'un tambour.

Les apprentis, interdits, guérissent en murmures la brûlure cinglante.

Son visage se ferme, la musique se tait.

Un instant, il s'écarte en replis enroulés, sourd aux bavardages embarrassés. Alors le danseur sombre et massif se dresse à leur regard.

La musique reprend.

Les paumes frappent le Djembé mais les pupilles soucieuses suivent les trajectoires fiévreuses. Enfin, SEGA se fige, son sourire pénètre les âmes tourmentées. Il emplit les murs sales d'incandescence. Alchimiste clandestin, il habille en agora chatoyante l'espace famélique.

Mais il s'en va. Le son dépérit, la lumière ternit. L'harmattan souffle des restes d'agitation.

  • "Est-ce que SEGA est là"

  • "Vous n'avez pas vu SEGA."

  • "SEGA va t-il revenir bientôt."