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L'interview


 
1. Depuis combien de temps faites-vous de la musique ? + 2. Avec quel instrument avez-vous accédé à la pratique musicale ?
 
J'ai commencé la musique vers 14 ans. Je crois que le hautbois m'attirait énormément, mais là où je vivais ce n'était pas un instrument super répandu, qui plus est cher et considéré comme difficile. Un jour on nous a proposé un sax, un vieux sax alto qui avait appartenu à un orchestre d'armée, en si mauvais état que certaines notes n'étaient pas jouables. Je me suis inscrit à l'école de musique du coin, mais je n'y suis pas resté longtemps. J'étais tombé sur un prof qui dirigeait l'harmonie municipale et on ne peut pas dire que le répertoire m'excitait beaucoup. J'ai donc quitté cette école et je me suis mis à jouer sur les disques de Parker, Wayne Shorter, Coltrane et John Lurie. Les meilleurs profs qui soient... Et quand je suis arrivé à Paris, vers 22 ans j'étais passé au sax soprano. Je me suis mis à jouer avec des groupes de Cold-Wave où le style n'exigeais pas une virtuosité instrumentale, ce qui m"arrangeait ! Par la suite j'ai tenté un peu de basse dans un groupe de Hard-Core. Et j'ai fini par monter mon propre groupe que, présomptueusement, je qualifierais de Free-Core. Un guitariste, deux batteurs et moi au sax. De très longues improvisations qui oscillaient entre le bruitisme et le jazz éthéré. A notre séparation, je ne voulais plus entendre parler de musique. J'en étais lassé. Puis je m'y suis remis il y a 2 ans et demi, tout seul, en utilisant uniquement un ordi.


 
3. Pouvez-vous citer quelques artistes qui vous ont marqué ? Quelles sont vos influences ?
Plutôt que de parler des influences, j'aimerais évoquer les personnes qui m'ont fait découvrir des choses. Mon premier souvenir d'une musique tenace est lié à Scott Joplin, Malicorne et le Carmina Burana de Carl Orff. Comme si ces disques passaient en boucle chez mes parents... La musique de Carl Orff avait de quoi impressionner un gamin, surtout que la pochette du disque reproduisait un tableau de Jérôme Bosch. Comme une bande dessinée de luxe, je pouvais passer des heures à la détailler. Un peu plus grand j'avais parlé à mon père du batteur sur un titre de Renaud. Je ne sais plus lequel. Mais je lui en ai parlé d'une façon péremptoire, genre "Ecoute Papa, c'est le meilleur batteur au monde !" Et lui, rigolard, s'était juste contenté de me glisser l'album de BiIly Cobham et George Duke. Un truc incroyable, que je peux toujours écouter aujourd'hui sans me lasser. S'en est suivi une période où je n`écoutais que du jazz-Rock. L’épisode suivant, encore lié à mon père, fut quand il a commencé à écouter plus sérieusement de la musique écrite. Enfin, en s'arrêtant à Gustav Mahler… Et à l'occasion d'un de ses anniversaires on a pensé lui offrir un cd (qui commençaient à se démocratiser à cette époque). N'y connaissant rien, j'en ai choisi un au hasard. Il se trouve que c'était le "Pierrot lunaire" et le trio de Schoenberg, une version économique de chez CBS. Autant dire qu'il ne l'a jamais écouté et que j'ai fini par le récupérer. Fort de cette découverte, j'ai acheté, pour moi, un autre volume de cette même collection. Et là, grosse révélation !! C'étaient les sonates pour piano d'Hindemith par Gould, qui est depuis LE disque absolu et autarcique pour moi. Autour de la même époque, un ami de la famille (par ailleurs compositeur du générique de "Manège Enchanté", ce qui n'est pas rien), déménageait et a entreposé ses affaires chez nous pour une période de transition qui a bien dû durer un an. Heureusement, tous ses vinyles ont été stockés dans ma chambre d'ado. Une vingtaine de cartons, chargés à bloc de 33 tours les plus expérimentaux. Du free-jazz, de la musique contemporaine de chez Perspectives Musicales, des groupes progressistes français. Un vrai trésor pour un gosse qui, vivant à Lourdes, n'avait pas l'occasion d'entendre autre chose que les radios FM. J'ai tout écouté et j'en suis ressorti avec une vision plus élargie de ce que pouvait être la musique. Dans le lot il y avait le "Around the wold in a day" de Prince. Et j'ai commencé à en devenir un fan maladif jusqu'à 19 ans, tout en écoutant beaucoup de be-bop, bizarrement.



Le changement suivant s'est opéré à mon passage au service militaire où j'ai rencontré un type qui passait du Christian Death à longueur de temps. Tant et si bien que, dans cette époque sinistre, j'ai fini par prendre goût à ces ambiances neurasthéniques qui me changeaient considérablement du funk et du jazz que j'écoutais jusqu'à lors. Le dernier grand changement coïncide avec mon arrivée à Paris, où j'ai commencé à passer de longues journées chez U-Bhan, un disquaire spécialisé dans l'electro et des choses plutôt industrielles, aujourd'hui disparu. Le fille qui gérait la boutique nous connaissait tous tellement bien à la longue, qu'elle sélectionnait pour chacun une pile de cds à découvrir. Elle voyait juste à chaque fois. C'est elle qui m'a emmené vers des choses plus abstraites ; les disques de chez Mego, par exemple. Elle a exerçait une influence marquante chez plein de jeunes auditeurs et avait même commencé à faire naitre une scène de musiciens électroniques à Paris.

4. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation musicale ?
A part ce premier épisode d'école municipale, je n'ai pas suivi de formation. En même temps, je n'ai pas l'intention de jouer à nouveau d'un instrument acoustique, donc je ne ressens aucun manque ou frustration. J'aimerais mieux être capable de réaliser un mixage digne de ce nom.
 
5. Quelle est pour vous la période la plus riche musicalement au cours du XX et XXI Siècle ?
La toute fin des années 60, peut-être. Quand pouvaient se côtoyer les musiciens du Free-Jazz, le Velvet ou les pionniers de la musique électronique.
 
6. Quel est votre rêve le plus fou en tant que musicien ?
Ni la célébrité, qui semble se muer en corvée, ni la richesse. Contrairement à beaucoup, je n'ai pas ce fantasme d'un parc monstrueux d'instruments. Je suis persuadé que l'économie de moyens me réussit davantage que la profusion. En revanche, j'ai un rêve un peu communautaire. J'adorerais convier la petite dizaine de musiciens avec lesquels j'ai le plus d'affinité sur Soundcloud pendant une petite semaine, dans une maison de campagne. Pouvoir mieux se connaître, échanger, travailler ensemble et organiser un concert collectif en fin de session. C'est sûrement un signe de ma frustration de faire de la musique seul. Voilà qui ne se réalisera jamais, mais d'y penser me fait du bien.
 
6. Pourquoi Société Cantine ?
Ça vient d'un petit jeu, un passe temps quand je m'ennuie. Je m'amuse à accoler mentalement des mots tels qu'ils me viennent. Le jour ou "Société" et "Cantine" se sont mariés, je me suis dit qu'ils feraient un bon nom de groupe, justement parce que leur cumul ne signifiait rien, et que ça ne risquait pas de connoter la chose avant écoute. Maintenant, après coup, on pourrait leur trouver un sens, mais je mentirais...
 





 
 
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