Carnet de correspondance

Clinique Thamer – Saint-Julien-Chapteuil,

Le 12 novembre 2013 - 14h08 gmt

Maître des camisoles cévenoles,

Ma convalescence se passe bien et j’ai bien reçu votre colis. La charlotte aux frites était exquise et la pochette de feutres est très jolie. Cette clinique m’ennuie cependant et j’ai découvert de surcroît que les infirmières s’épilaient aussi. La féminité de nos jours ne rime plus avec le velours bien brossé de nos premiers amours. Les affres du glabre finiront par nous étouffer comme une lame de fond déferlant sur les épidermes aseptisés. Je suis à fleur de peau et par soucis de précaution, on m'électrocute dès que j'arbore un petit sourire.

Cet endroit me rend intangible et j'erre entre les blouses blanches comme un spectre chromé. Entre les sandales hollandaises et les sabots de laitières, mon esprit essaye de vaquer à ses occupations, les plus éloignées possibles des goûts du contingent hospitalier. Cela en est fini de la monacale austérité des anciens hospices dont la seule exubérance se résumait à quelques soupirs de nonnes appliquées. Ce matin, le contingent médical a affirmé avoir trouvé la photo d’un chamois dans mes urines. Je ne suis pourtant jamais allé en Colombie britannique et je ne plonge que les dimanches de mai. Ils ont donc dépêché un ancien para pour mon pouls. Il me l’a tâté et il est parti sans nous dire un mot. Quel diagnostique a-t-il emporté avec lui ? Quels mystères m’a-t-il dérobé? Mon légionnaire s’en est allé avec les battements de mon cœur et il me laisse là, gisant dans le doute et sa folie. Pour une caresse sur le poignet, je m’attache comme un piercing à un téton breton. Les opiacés me rendent sentimental Maître. Mais ça serait faire une entorse au règlement des hôpitaux que de s’amouracher d’un membre viril du personnel par intérim. Profitant d’une crise d’épilepsie du personnel de garde, je me suis octroyé ma première promenade dans le parc cette nuit. J’ai discuté avec un comique du Dakota qui me rappelle furieusement ma défunte tante actrice. Celle là même qui m’a promptement initié au scoutisme libertin. Ma tante hâtive et désespérée. Elle a fini par se perdre dans le tunnel sous la Manche avec son accordéon du Gabon. Je vous relate mon néant en semant ces écrits vains devant vos yeux rougis par le bourbon car devant votre masque, je ne peux qu'agiter ma plume Maître des programmes nocturnes.

Le médecin en chef m’a assuré que j’étais humain après tout et que la chicorée du Nord était l’avenir d'un certain futur. Suite à ces révélations, j’ai demandé à la direction de l’établissement que ma chambre soit tapissée d’emballages de margarine allemande. J’étrangle parfois la vie en relisant les mémoires de Klaus Kinski tout en sirotant de la morphine du Jura. J’ignorai que vous étiez cousins vous et lui. Cela ne m’étonne guère car vous avez tous les deux le même regard lorsque vous perdez aux dés. Ces derniers jours, je me sens las de ne pas être ailleurs et je colle régulièrement mon front humide sur la vitre de ma fenêtre pour observer les fruits de l’hiver. Comme Jean d'Ormesson, je me demande souvent pourquoi mon coeur bat. Est-ce cela qui fait tant saigner mes tempes? Ces hémorragies cognitives ne connaissent aucune règle décidément. Vous devez cependant me lire d'un oeil distrait car je vous sais absorbé par le prochain sommet de Clichy Maître des billets de cent francs.

Vous comprendrez que je vais devoir reporter l’opération ‘‘Gigot du désert’’. Ce qui me permettra de peaufiner notre plan et de repriser mes bas. J’espère être remis sur pied pour l’inauguration de votre sous-marin électromécanique, ‘‘Le Méchant II’’. Notre druide portugais se pavane sur Twitter en se faisant passer pour un cerveau croate. C’est la preuve qu’il va mieux. En apprenant cette nouvelle, c’est sur un air de New Order qu’il m’a semblé opportun d’exiger un doigt de kirsch dans ma perfusion. Je me languis de mon teint jordanien et de l'odeur du sable chaud.

Vous êtes l’idole de mes gènes.

Votre âme suturée