L’histoire rend-elle compte de ce qui n’a pas laissé de traces … L’atonalité, Un langage musical peu ou mal connu Par Serge Gentil L’auteur Jaques Chailley nous parle de « musique non harmonique » Jacques Siron nous dit que ce n’est pas un style. Au préalable pour situer tout ça il faut connaître les deux grands courants musicaux qui ont existé avant cette rupture. Sans parler de l’antiquité ! Ni de toutes les richesses musicales non occidentales. Le langage modal comportant une hiérarchie des notes et un pôle attractif sur la tonique*. Je limite ici ce langage à travers l’occident. Bien des musiques dans toutes les cultures du monde ont un langage modal avec entre autres des modes pentatoniques où la gamme ne comporte que cinq notes. Au moyen âge un système de huit modes a été théorisé au IX siècle. Les historiens pensent que la genèse des huit modes grégoriens est probablement passée par l’utilisation de modes pentatoniques sans demi-tons, (anhémitoniques). Pour faire simple à l’extrême le langage modal a connu entre autres deux périodes. La monodie et la polyphonie*. Ce langage d’une richesse inouïe disparaît au cours de la période baroque (il ne disparaîtra jamais totalement).A noter que le contrepoint s’insère avec le traitement de plusieurs voix. Au moyen âge on parle d’intervalles*. Egalement de conduits et de motets. A la Renaissance il s’agit déjà d’harmonie d’accords Le langage tonal toujours pour réduire à l’extrême, connaît trois grandes périodes : pendant l’ère baroque, l’ère classique, l’ère romantique. Il se complexifie toujours plus, allant jusqu’à la multi tonalité, la polytonalité. De la tonalité diatonique* à la tonalité chromatique*… Il introduit la notion d’accords (3 sons, 4 sons simultanés) et de fonctions tonales avec une forte hiérarchisation des degrés des gammes* qui se voient réduites à deux modes principaux : le mode Majeur et le mode mineur. On parle également de langage vertical. Au cours des années la tonalité s’élargit toujours plus pour intégrer des éléments de la modalité. Mais il reste des pôles attractifs et des fonctions précises même si tout est fait pour « sortir de là » pourrait-on dire. Parmi les pôles attractifs on peut citer : la tonique(T) , la Dominante(D), la sous-dominante(SD), la sensible. Les résolutions de dissonances obligées etc… Revenons à nos moutons. L’atonalité abolie le centre tonal, il n’y a pas de fonctions harmoniques, on peut enchaîner n’importe quel accord à un autre. Tous les intervalles sont acceptés. L’utilisation des douze demi ton est possible d’emblée. Aucune de ces douze notes n’est plus importante qu’une autre En 1909 le compositeur Autrichien Arnold Schoenberg propose une musique où les fonctions tonales sont dissoutes. Puis en 1923 Schoenberg élabore un courant musical nommé dodécaphonisme. Celui-ci devient une des différentes formes que prend l’atonalité. En effet cette forme particulière utilise systématiquement les douze notes chromatiques*. Ce qui mènera au sérialisme et ses techniques. Puis poussé à l’extrême au sérialisme intégral .En même temps que le dodécaphonisme et la musique sérielle s’est développé un autre courant axé sur des recherches de timbres, de sons, de masses sonores et de textures…Cela donne naissance aux accords appelés « clusters » et à la musique concrète. Les musiques spectrales, des musiques où il n’y a plus de notes mais des objets sonores, des bruits de sirènes et de machines industrielles. Les techniques de montage de bandes sonores foisonnent. Viennent ensuite les instruments à lutherie électronique. Les courants électro-acoustiques. A partir des années 1960 apparaît le concept d’œuvre ouverte. Cela signifie que l’œuvre sera différente à chacune de ses interprétations. Toujours plus loin ce concept d’ouverture amène à la notion d’aléatoire et d’interprétations improvisées .Nous sommes là aux frontières du free-jazz. On ne peut pas parler de l’atonalité sans parler du free jazz. Pour simplifier on situe le début du free jazz vers 1960.Voir la pochette du disque d’Ornette Coleman « free-jazz »… Le traitement des accords est beaucoup plus libre, ils peuvent être formés par assemblage vertical de n’importe quelles notes prises dans les douze demis tons chromatiques. Toute liberté est donnée à construire son propre langage et inventer ses couleurs d’accords avec les différentes combinaisons d’intervalle possibles. Il en résulte, entre autres, que la basse est libre d’aller où elle veut puisqu’elle n’est pas tenue de donner cohérence à un quelconque discours harmonique. J’omets consciemment de parler de la pensée rythmique ce qui rendrait mon mini exposé trop complexe à réaliser. Le compositeur est libre de s’inventer les pôles attractifs qu’il souhaite ! Il faut parler maintenant du pandiatonisme. Cela consiste à utiliser une gamme diatonique Avec la même liberté que les douze demi-tons. La gamme de base comme matériaux peut-être majeur mineur ou modale. On parle également de tonalité libre, Où seule la tonique reste un pôle attractif et où le discours musical se structure par la mélodie, le rythme, le timbre, le contrepoint et l’harmonie. Comme pour l’atonalité les hiérarchies et les fonctions tonales sont absentes. Il y a aussi la notion de réservoir de notes dans lequel on puise à sa guise. Voilà un tout petit aperçu de l’atonalité figurant parmi les multiples langages musicaux qui se multiplient avec une extraordinaire diversité à partir du XX siècle. Aucun langage ne s’est imposé, ni aucune technique…Ceux-ci se croisent en faisant vaciller leurs frontières. QUELQUES NOMS AUTOUR DE L’ATONALITE COMPOSITEURS DE L’ECOLE DE VIENNE : Arnold Schoenberg, Alban Berg, COMPOSITEURS DE L’ECOLE DE DARMSTADT : Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio… MUSIQUE SPECTRALE : Gérard Grisey, Tristan Murail, Giacinto Scelsi, György Ligeti, Michael Levinas AUTOUR DU TIMBRE ET DU BRUIT : Edgard Varèse, Luigi Russolo, Henry Cowell, George Antheil MUSIQUE CONCRETE : Pierre Schaeffer, Pierre Henry, Bernard Parmégiani FREE JAZZ: Michael Mantler, John Coltrane, Charles Mingus, Ornette Coleman, Cecil Taylor, Archie Shepp, John Zorn, Eric Dolphy Lexique/
Références auteurs: Jacques Chailley Jacques Siron Claude Abromont, Eugène de Montalembert |