Les sioux


On s’échappait , tous deux, déroute exigée des grands autres, contrainte aimée, attendue.

On s’enfuyait au travers des prés, au travers des bois délaissés. De l’espace illimité nous faisions l’impalpable esplanade de nos voyages.


La buse et le corbeau s'effarouchaient déjà de nos disputes éclaires, de nos rires raisonnants.

Le ruisseau se hâtait de rejoindre en détour les embarras de ronces. La libellule, diaphane, nous escortait un temps vers les antres secrètes de nos escapades.


Les bras s’entortillaient à refaire et défaire les tipis exigés par nos contes d’un jour. L’arc et la flèche, noisetier torturé, paradaient noblement sur nos dos ambrés, apprêtés pour la chasse aux heures de liberté. Nous laissions nos armures pour baigner notre peau, rouge, aujourd’hui, aux aguets, attendant les chevaux chimériques.


Puis, fourbus d’avoir cogné nos envies l’un à l’autre, d’avoir collé nos pieds dans la course élancée, d’être, nous voguions un instant sur les abords muets de nos élans.


Le soleil nous poussait et la lune, sournoise, nous étirait là-bas, là où l’indien s’étiole, où la buse revient, où la libellule meurt.


Nous rentrions, contrainte haïe, rejoindre les pierres et les chemins futurs.


Loin derrière, loin devant, les grands autres, confiants, occupés, toujours, s'aménageaient des vies attendant le retour de nos regards d’amour.