Catherine Estrade



                      Le petit pays



 
C’est  un petit pays de mort, un songe à peine clos, un silence en suspens et le bruit qui s’étend. C’est la peur, insolente, et le désir enfoui.

Sur la colline, au pied d’un arbre nu, un enfant dort encore. Il a couru trop vite, trop fort. Entre son cœur qui frappe et le souffle, la place à prendre est si légère. S’il s’éveille, le monde apprendra la vie. Si ses yeux se cachent sous les paupières fines, le monde enterrera ses derniers soubresauts d’envie.

Dans la vallée, un vieil homme s’endort. Il a marché longtemps, épuisé ses pas, balancé son corps sur des femmes inertes. Il ne s’éveillera pas, son visage est fermé et le monde apprendra la vie, sans lui.
 
C’est un point sur la carte des infinis, une absence aux confins des soleils éclatants, c’est un mouvement imperceptible, une ritournelle de nuit de jour. C’est un petit pays de mort.
 
J’irai caresser les cils de l’enfant, la toison blanche de l’ancien. Et je lèverai la tête vers ce qui me tient debout, tirée loin du point, aux abords des soleils, toujours, emportée mais là, sur les racines de mes terres gelées.

Sur la colline, j’irai réveiller l’enfant et le monde apprendra la vie. Dans la vallée je prendrai dans mes bras le corps de celui qui dort, doucement, pour le silence.