Catherine Estrade



                       3 poèmes

 

15

Sur la crête des brumes
monte faiblement l'âme trouble
le corps lent d'un soldat mort encore

Sa chute se fera
lorsque les chœurs monocordes
des hommes aux bures salies
lèveront une à une les pierres tombales
des inconnus tombés

On porte entre nos paumes
les sangs séchés les innocences
des hurlements dans les tranchées
et leur folies enfermées
d'ignorances abominables

 

Armoire

 

Une planche rongée
et des traces secrètes de main cajoleuse
il reste encore entre les rainures
aux creux des nœuds vermoulus
l'odeur de la peau qui passe et cire
qui frôle et éprouve
celle qui fait qui taille et s’abîme

Entre les stries grisées
les cannelures
l'été veille encore
plissant les yeux
à travers

tu verras
l'horizon

entre les gonds usés les plaintes

l'été allume les dernières illusions
et c'est au milieu de l'hiver
que l'herbe sent le foin

et coupe encore le pré
moissonne et récolte
fauche et fane

L'été veille encore

lorsque le grincement des portes
lorsque le grillon
lorsque dans les prairies
auprès de l'armoire de chêne

lorsque l'hiver est là
l'été veille encore

 

Du bleu où je me noie

 

De décrocher du bleu aux bordures blanches et souples
jusqu'à mes pieds si verts que le reflet me noie

De décocher des vagues aux craquelures sableuses
jusqu'aux ronces amères aux boursouflures brunâtres

de là à là de bas en haut
triste sort incertain
de mes respirations de ma seule raison

………………….flottant sur l'escarbille d'un éclat de pétale
un insecte chantonne………………………………………..

c'est une litanie aux échos mémorables
il accroche ses pattes aux velures ephémères
sur la chair vieillie
peaux tendres de pistil

et le rugissement des eaux
souffle la chute des fureurs

je sais les branches et les herbes folles
qui m'étirent m'écartèlent
les senteurs violentes
les typhons les tempêtes

et je crépite
j'exulte
des morceaux
des particules

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