Audrey Soulié

                             





Comme autrefois Virgile



Ils sont là. Tous.
Sereins et bienveillants.
 
Sereins et bienveillants ils sont là, vieux et jeunes, hommes et femmes, alignés au dessus du vide.
 
Sereins et bienveillants les yeux rivés sur l'homme qui, pied à terre, leur figure l'enfant qu'il était autrefois.
 
Sereins et bienveillants ils n'ont pas de parole face à celui qui s'approche du trou sombre et froid. Ils ne bougent pas. Ils n'entendent ni ses questions, ni ses certitudes, ils n'entendent rien, aussi sourds que le ciel est bleu.
 
Ils regardent. Ils regardent celui qui le pied dans la tombe appelle et ne dit rien.
 
Sereins et bienveillants leurs yeux sont un peu tristes, ils ne clignent pas.
 
Il y a les yeux noirs, les bruns, plusieurs paires, les yeux trop abîmés pour qu'on puisse les voir, plusieurs paires aussi.
 
Et il y a les yeux gris si rares, si différents, si étrangement familiers que celui qui maintenant s'apprête à descendre les tiendra jusqu'au bout pour les plus doux du monde.
 
Les yeux d'Eurydice.
 
Les yeux qui sont des yeux et puis qui n'en sont pas.
Tout comme Eurydice n'est pas Eurydice.
 
Celui qui maintenant est tout entier dans l'ombre y puise un instant encore le courage qu'il faut puis s'engouffre. Simplement ainsi.
 
Sereins et bienveillants ils se tiennent stoïques aux confins de son crâne claustrophobe. Un souffle de panique envahit l'obscurité, enfle, bourrasque, tempête, crève enfin.
 
Il marche.
 
La peur s'apaise au creux de la main qui le guide.
Et c'est encore Dante.
Comme autrefois Virgile.
 
Alors, de nouveau, Ils sont là. Tous.
Sereins et bien veillants.
Ils sont là, vieux et jeunes, hommes et femmes, alignés au dessus du vide.
 
Ils sont la mémoire.


 




 

 
 



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