Catherine Estrade

 
                    Passage à l'acte



 
C’était un dimanche. Les dimanches parfois s’étendent et se lamentent, c’est ce qu’il ressentait, un ennui tiède, une lenteur fade.
Il a dans un premier temps regardé longtemps le reflet dans le miroir, la grisaille sur les joues, sur les tempes, la banalité, la tristesse aussi.
Puis il a dévalé les marches pour se laisser croire qu’il le pouvait encore, s’est assis à la table de cuisine, n’a même pas jeté un regard sur Dolorès pendant qu’il trempait ses biscottes dans son café.
C’est à cet instant qu’il a pris conscience de quelque chose.
Quelque chose de dur, quelque chose d’effrayant.
Alors que ses yeux s’enfilaient dans le noir du liquide, que des vagues minimes s’écrasaient sur la chapelure, il n’a pas reculé, cette fois là, il n’a pas fui.
 
Un mur que l’on passe, un mur que l’on dépasse, qu’on franchit, par-dessus ou à travers, suivant la douleur qu’il vous rend, un mur malgré tout, qui mène de l’autre côté.
 
Elle lisait, une chose insipide, elle lisait et ne voyait pas qu’il avait parcouru une distance supplémentaire.
 
  • « Je vais faire un tour »
  • - Où ça ?
  • - Je ne sais pas.
  • - Tu reviens quand ?
  • - Je ne sais pas.
  • - Mais qu’est ce qui te prend ?
  • - Je ne sais pas. »
 
II est sorti, un poids violent sur la nuque, une insistance brute du regard de Dolorès dans son dos. Il ne s’est pas retourné, pas là. Il l’a laissée avec ses mots d’interrogatoire.
 
Le soleil a tremblé légèrement, la rue s’est ouverte, une lumière différente la livrait pleine. Il allait reprendre le fil du début, devait voir le passage de ce mur, lui donner un nom, l’adopter, le morceler. Il allait refaire tout cela au ralenti et observer chaque image, l’associer à une pensée, puis plus tard, à l’acte.
 
Parce qu’il y aurait un acte, inévitablement.

 
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