Catherine Estrade





 
 
Les gouttes s’étalent, s’étendent sur la vitre aux oreilles ouvertes. Le bruit n’est pas, rien ne bouge, ça ressemble à ce que j’ai mis dans l’intérieur de ce que je suis, pour l’instant.

Il y a comme un long silence ici et ailleurs. Le sentiment vague  de ne rien accomplir jamais, d’être dans l’entre-deux alors même, qu’au fond, dans la toute grande vérité, je ne suis que d’un côté, entière, totale, immuable.

Et des mots jetés, bancales, et des notes alignées dans leur imperfection insupportable, et des couleurs arrachées au clavier, coulantes, impraticables.

Jamais ne rejoindre là, jamais ne pouvoir, tirer l’âme plus loin mais les mains mortes derrière mon dos.

Je me regarde et ne vois rien, je ne peux pas, ne veux pas. Je ne sais pas, je laisse aller ce qui se joue toujours, j’abandonne. Mais là, sur la vitre où l’eau se démantèle, j’entends des échos du vide. Et l’entre-deux ne convient plus, je l’écharpe, le divise encore, un peu plus, pour qu’il s’effondre avec la vitre, avec la pluie et le bruit qui n’est rien au dehors.

Ils sont rivés là mes yeux. Ou bien vont-ils chercher encore ce qui ne peut s’atteindre. Est-ce une question à poser ?

J’ai un bâillon serré sur mes lèvres et le sang fuit par-là, par ma bouche fermée. Peu à peu, j’essouffle l’air qu’il me restait et j’allume une cigarette. Elle me parle, je lui réponds. Mais aucun son ne peut sortir vraiment. Si je dis, je crie.

Mais il ne faut pas, ce n’est pas une façon d’essuyer ce qui s’écoule, le cri. C’est juste autre chose, peut-être ce qu’il me faut. Dans mon impossible « vivant », et mon silence accablé, en écho au bruit qui ne vient plus du dehors, murmure encore le chuintement des gouttes sur la vitre.

Peut-être