Catherine Estrade


Recueil 3






Sur son dos s'éparpille des vagues nonchalantes

Et sa courbe légère

ses chevilles épaisses

sa toison verte et ferme

 

la vapeur monte et tourne

en goutte molle

sur le front

 

de celui qui marche

 

L'horizon déguisé de miroir

le mont contre le mont

Les jambes perdues sur les failles calcaires

 

Dedans

dedans le monde

dans son ventre d'arcane

planté dans l'âme des ruisseaux

sur la pente des hêtres

 

Les rouges étirent

en tâche folle

les joues

 

de celui qui marche

Le marcheur
  Petite fille  



 

n'a pas peur du saut dans le vide

que le frisson des murmures de branchages

 

Sur la pente

aux courses déchaînées

les histoires galopent encore

sur le tronc

aux veines des feuillus

 

Mille clefs dans les poches percées

alchimie le temps d'un écho

dans le vent

 

Petite fille aux mille clefs

trousseau clinquant à la porte des songes

 

L'arbre a chassé la mort

Ela course vibre encore




Le temps nous endormira t-il sur l’absence

Serons-nous aussi ternes que les draps fatigués 

 

Je ne sais pas passer les brisants et les flans               

Je pars ou je navigue

 

Je vais droit devant

La mer se mange d’huile

 

M’endormir

 

T’endormir

 

Nous combattrons les mornes ports d’amertume

Nous détacherons les ancres

 

Faut-il que je divise les anneaux que je garde

Enfermés dans mon ventre

Ou trahir la trace de mes cheveux sur le sol

 

De mes cheveux

 

T’endormir

 

Je prendrai ton visage

Je te donnerai le baiser, le premier

Toujours le même

 

Nous saurons survoler les orages d’écume

Nous avalerons les lames

 

Mais ne t’endors pas

Surtout

mon amour

ne t’endors pas

 

401
 L'ancre 


 

J’ai dans le corps une ancre marine

Je suis née une nuit

La mer alors avait fui

Sur sa conque dorée

 

Fuir

 

La course est lointaine et désarmante

Et je sens dans mes pas sur le creux de mon cou

Le souffle sombre de la terre qui me ramène

 

J’ai dans le corps un objet dérisoire

Il clos mes yeux répand suffoque

 

Et je sens le combat du vent contre le fer

J’entends les lunes hurlantes dans les ventres sertis

 

J’ai dans le corps une ancre ancienne

Que j’ôte

Que je traîne

Que j’ôte

Que je traîne

 

Les tambours

Frappent encore

Et mes pas marquent

un coup

puis deux

 

Je pars

 

J’ai dans le corps une ancre

Les môles la retiennent sur les rives sanglées