Catherine Estrade



                         Au loin la lenteur



 
Ce n’est pas une course, ce n’est pas une marche, mais ils avancent. Au loin la lenteur et les silhouettes contenues mouvantes incertaines.

Friables ils naviguent sur les fermes épaisseurs du sable. Entendre, ou Ecouter, le froissement muet des grains qui s’échappent, sous les pas, sous les sabots, sous la peau nue qui hurle.

Des tifinagh de sang corrigent le dédain du beige infernal. Semés sur la route aux étoiles, les corps attendent et regardent, comme moi, la caravane.

Les hommes bleus.

L’étoffe croise le vent, le plie au menton, au regard. Et le verbe, crié au berger suspendu.

Sur la ligne, au loin, la lenteur. Défaite et vibrante, coupée en tranche sur le rasoir solaire.
Rouge, plus près de là où s’arrête                                     tout.
Ici, même morts, ils continuent la route où poussent les racines, celles au-dessus des têtes.

Ils vont piétiner l’incendie, confondre la couleur aux chaleurs des pierres décomposées.
Le murmure à mon oreille annonce la fin et je sais que c’est eux qui disent et chantent leur propre mort. Il y a quelque chose de si dur dans cet énoncé qui blesse. Si le poème bleu, de musique flottante, livré au ciel, s’enlise dans les tracés des soldats du désert, il n’y aura plus qu’à ranger le cadavre de nos incontournables sédentarités. De nos appétits d’inertie, de nos envies, nos assises venimeuses.

Parce qu’un peu de moi divague, parce qu’un peu de moi suit au loin, la lenteur.

Je sais qu’il ne peut pas y avoir de monde sans nomade, il ne peut pas y avoir de monde.